Depuis 2010, la loi française à tranché en faveur du poker et quelques autres aménagements sur les paris en ligne, contre les autres jeux de casinos sur internet. En la matière, la législation européenne n’est pas homogène et la loi belge, par exemple, a été plus flexible, quant à elle, vis à vis de la création et de l’obtention de licences pour les établissements de jeux en ligne.
Casinos français, casinos virtuels ? Qui sont les plus pénalisés ?
D’une certaine manière, en décidant de maintenir l’interdiction pour les casinos d’exercer leur activité en ligne, le législateur français a fixé, pour le compte des joueurs, la frontière entre comportement légal et comportement déviant, et peut-être même aussi entre jeux « moraux » et jeux qui ne le seraient pas. C’est sans doute une des particularités du domaine légal que d’essayer de coller le plus possible au moralement souhaitable, même si ces deux territoires ne se recouvrent pas toujours ; le passage d’intérêt collectif à intérêt privé compliquent en effet, souvent, la chose.
Quoiqu’il en soit, à travers cette législation de 2010, on comprend bien que l’idée est aussi de limiter le développement ou la présence, sur le territoire national, de casinos n’ayant pas de licence officielle pour exercer. Dans les faits, la limitation de la présence de casinos virtuels extra-territoriaux, quand il s’agit d’internet et donc d’une technologie hors-sol, est assez difficile à mettre en oeuvre. Aussi, on peut se demander si cette mesure, dont on pouvait penser qu’elle pourrait protéger, un peu, les casinos bien établis sur notre sol, ne finit pas, par effet boomerang, par les pénaliser.
Au fond, les casinos établis en France sont, plus que tous autres, soumis à la pression légale directe et aux pénalisations éventuelles qui les accompagnent. Ils n’est donc pas question pour eux de prendre le risque de porter leurs offres de jeux sur le net. D’un point de vue communication et stratégie de marque, ils auraient pourtant toute légitimité à le faire auprès des joueurs en provenance d’internet. Il serait, en effet, sans doute bien plus rassurant pour un internaute français de jouer sur un grand Casino Partouche ou Barrière en ligne, plutôt que sur un établissement perdu dans une île du pacifique. En tout cas, on peut le supposer. Or, comme ces groupes ne peuvent porter leur offre en ligne, ce sont de fait souvent des casinos provenant de l’étranger qui tirent leur épingle du jeu puisque moins directement assujettis à la loi française. Les joueurs qui ne vont donc plus dans ces établissements en ligne terrestres parce qu’ils leur préfèrent les casinos en ligne souvent plus proches et plus simples d’accès, s’évadent vers d’autres horizons géographiques.
Poker contre autres jeux de casino ? Deux poids deux mesures ?
Dans le même esprit, on peut se demander combien de temps le poker restera l’un des seuls jeux d’argent, issus de l’univers des casinos, à avoir bénéficié d’une déréglementation et de certains passe-droits ? Entendons-nous bien. Il est possible que sa démocratisation/médiatisation ait profité à tout le monde y compris aux casinos terrestres qui ne se privent pas d’organiser de beaux tournois. Pourtant, sur le fond, on pourra tout de même s’interroger sur ce qui motive le deux poids de mesure. Ce ne peut pas être la question de l’éthique ou de la morale, on aurait du mal à avoir comment : dans les faits, jeter un jeton dans la fente d’une machine à sous, les miser sur un table de poker ou les parier sur une équipe de foot, lors d’un championnat, un cheval lors d’un course en espérant gagner, on ne voit pas de différences majeures entre toutes ces pratiques. Elles ont, bien sûr, des nuances entre elles mais pas si fondamentales que cela.
Encore une fois, nous ne souhaitons pas déshabiller Pierre pour habiller Paul. On peut apprécier le poker pour son intérêt. Le voir promu comme pratiquement un « sport » à la télévision, avec célébrités à sa clé qui nous expliquent ses grandes qualités, pourquoi pas ? Médiatisation débridée, naissance de nombreux sites réglementés, promotion de sa pratique, starisation de ses joueurs, mise en exergue de possibilité de « carrières » en tant que joueur de poker professionnel etc… Pour être honnête, une certaine génération n’en aurait même pas demandé autant qui, jusque là, d’un point de vue moral justement, avait pu considérer ce jeux de cartes comme réservé à des adultes avertis et à certains cercles.
Pour autant, une fois acceptée l’idée et assisté à tout ce battage médiatique et cette officialisation, comment continuer à justifier l’interdit qui pèse sur d’autres jeux de casinos en ligne comme les machines à sous, le black jack ou la roulette ? Sont-ils moins moraux ? S’agit-il plutôt de protéger les casinos de notre territoire ? Est-ce vraiment efficace ? Nous le disions, en introductions, quelquefois, il est difficile pour une loi de trouver des justifications parfaitement claires sur tous les terrains, notamment ceux de la morale et de la logique. Il faut donc admettre certaines imperfections et quelquefois se ranger du côté de la mise en pratique, sans chercher à trop démêler les frontières du licite et de l’illicite, du moral et de l’amoral, même quand tout ceci peut paraître un peu perturbant. En définitive, pour le moment, cette loi fait un peu l’effet d’une première loi de transition pour s’adapter au nouveau paysage technologique, ce qu’elle est sans doute. Au futur, elle devrait peut-être trouver quelques nouveaux aménagements. En tout cas, confions que le législateur saura la faire évoluer.